Turandot est un opéra en trois actes et cinq tableaux de Giacomo Puccini, sur un livret de Giuseppe Adami et Renato Simoni d'après Carlo Gozzi, créé le à la Scala de Milan sous la direction de Toscanini. Il est inspiré de la comédie de Carlo Gozzi intitulée Turandot, déjà mise en musique en 1917 par Ferrucio Busoni sous le même nom de Turandot.

La dernière scène de cette œuvre inachevée de Puccini, mort en 1924, a été complétée par Franco Alfano. Une nouvelle version de cette scène par Luciano Berio a été créée le à l'Opéra de Los Angeles sous la direction de Kent Nagano.

Personnages

Personnages
Personnage Type de voix Interprète lors de la création
Turandot, princesse de Chine soprano dramatique Rosa Raisa
Altoum, empereur de Chine, père de Turandot ténor  
Calaf, le « prince inconnu » ténor (le plus souvent lyrique) Miguel Fleta
Timur, roi détrôné des Tartares, en exil, père de Calaf basse Carlo Walter
Liù, jeune esclave, guide de Timur soprano lyrique Maria Zamboni
Ping, grand chancelier de Chine baryton  
Pang, grand maître des provisions ténor  
Pong,grand maître de la cuisine impériale ténor  
Un mandarin baryton  
Le bourreau rôle muet  
Le jeune Prince de Perse ténor  
Gardes impériaux, serviteurs du bourreau, prêtres, mandarins, dignitaires, huit savants, servantes de Turandot, soldats, porte-drapeaux, musiciens, ombre des morts, la foule (choeur, orchestre) Chœur  

Argument

Acte I

Dans une Chine médiévale imaginaire, la cruelle princesse Turandot, fille de l'empereur et dont la beauté est légendaire, attire à Pékin de nombreux prétendants qui doivent se soumettre à une terrible épreuve : s’ils élucident les trois énigmes que leur propose la princesse, ils gagnent la main de celle-ci, ainsi que le trône de Chine ; s’ils échouent, c’est la décapitation qui les attend.

Au moment où l’exécution du prince de Perse est imminente, le Prince inconnu arrive à Pékin et retrouve par hasard son père, roi de Tartarie déchu, en exil et devenu aveugle, ainsi que sa jeune guide Liú qui aime le Prince en secret depuis qu’un jour celui-ci lui a souri, à elle, une esclave.

Le Prince inconnu condamne fermement la barbarie de la princesse mais, lorsque celle-ci apparaît, sublime, impassible, pour ordonner d’un geste la mise à mort, il en tombe fou amoureux, perd la raison et se précipite, au mépris des imprécations de son père, des larmes de Liù et des conseils cyniques des trois ministres, pour frapper le gong de trois coups qui le déclarent candidat aux énigmes.

Acte II

1er tableau

Les trois ministres Ping, Pang et Pong aspirent à des temps plus paisibles, se rappelant les bons moments passés dans leurs villages respectifs, et souhaitent que Turandot connaisse enfin l'amour, alors qu'ils pensent que les cimetières vont continuer à se remplir.

2e tableau

L'épreuve des énigmes a lieu. Avant de proposer les énigmes, Turandot explique pourquoi elle ne veut pas se marier, et l'on apprend que son ancêtre, Lou-ling, princesse de Pékin à la voix pure et fraîche, a été tuée par un prince étranger. Turandot veut venger Lou-ling en tuant tous les prétendants.

Les trois réponses aux énigmes sont : l'espoir, le sang, et Turandot elle-même.

Le Prince sort vainqueur. Face à Turandot, désemparée, il accepte généreusement de la libérer de son engagement si elle parvient à connaître son nom avant le lendemain, à l'aube.

Acte III

1er tableau

C'est la nuit. Le Prince attend le jour plein d'espérance. Ping, Pang et Pong tentent vainement d'apprendre son nom en faisant des marchés au Prince, puis torturent Liù, qui déclare qu'elle seule connaît l'identité de l'étranger. Elle se poignarde pour sauver le Prince, et emporte le secret dans la tombe1.

À l'aube, resté seul avec Turandot, le Prince lui reproche sa cruauté avant de l'embrasser. Turandot lui révèle ensuite qu'elle l'a à la fois aimé et haï, mais lui demande de partir. Le Prince refuse et lui révèle son nom : Calaf, remettant ainsi son sort entre ses mains.

2e tableau

Devant l'empereur, et tout le peuple rassemblé, Turandot déclare qu'elle connaît le nom de l'inconnu : il s'appelle « Amour ». La foule acclame les fiancés.

Airs célèbres

Acte I
  • « Là sui monti dell'Est » — tiré du classique chinois du XVIIIe siècle, Mo Li Hua (茉莉花)
  • « Signore, ascolta! » — Liú
  • « Non piangere, Liú! » — Calaf
Acte II
  • « In questa reggia » — Turandot
  • Scène des énigmes : « Straniero, ascolta! » — Turandot, Calaf
Acte III
  • « Nessun dorma » — Calaf
  • Mort de Liú : « Tanto amore, segreto… Tu, che di gel sei cinta » — Liú
  • « Principessa di morte! » — Turandot, Calaf

Analyse de l'œuvre

Sources

Turandot est à l’origine une « fable théâtrale » écrite par Carlo Gozzi en 1762, bien plus connue de nos jours dans ses diverses adaptations musicales. Carl Maria von Weber a composé l’accompagnement de l’adaptation théâtrale de Schiller, tandis que Ferruccio Busoni a écrit une Suite orchestrale basée sur Turandot (1904), ensuite réutilisée dans son opéra homonyme (1917).

L'intrigue repose sur une légende persane médiévale. Le nom de l'héroïne, Turandot, signifie « fille de Touran »2 (l'Asie centrale et, par extension, la Chine) ; il apparaît dans les Mille et Un Jours de François Pétis de la Croix (1710)3. Le prince y est nommé Khalaf, voisin de l'arabe « khalîfa » : calife, successeur au trône (de Chine).

Les noms des deux rois sont en revanche différents dans l'opéra et le conte. Altoum évoque l'or (« altın » en turc, « alt(an) » en mongol ; allusion à la deuxième dynastie Jin, toungouse, dont le nom () signifie « or » en chinois). Timur évoque le fer (« demir » en turc], « tömör » en mongol).

 
Extrait de l’aria In questa reggia.

Composition

La partition de Giacomo Puccini est restée inachevée à la mort du compositeur, emporté le par un cancer de la gorge, et fut complétée par Franco Alfano au moyen de quelques notes laissées par Puccini. Cette version du final n'a cependant jamais fait l'unanimité ; ainsi lors de la première, qui eut lieu le à La Scala de Milan, sous la direction d’Arturo Toscanini, le chef d’orchestre, juste après l’air de Liú « Tu, che di gel sei cinta », déposa sa baguette, se tourna vers le public et dit : « C’est ici que Giacomo Puccini a interrompu son travail. La mort, cette fois, fut plus forte que l'art. » La salle resta silencieuse quelques instants avant d'éclater en une formidable ovation. Dans les représentations qui suivirent, Toscanini dirigea cependant une version écourtée du final d'Alfano, qui est devenue la version la plus jouée et enregistrée à ce jour.

Il existe d'autres versions du final, notamment celle du compositeur Luciano Berio, créée en concert le à Las Palmas (Canaries), par le Royal Concertgebouw Orchestra sous la direction de Riccardo Chailly, puis intégrée à l'œuvre le à l'Opéra de Los Angeles.

Accueil

La valeur de Turandot dans l'œuvre de Puccini est encore discutée, deux positions se faisant jour. La première tient Turandot pour le chef-d'œuvre du compositeur italien. Dans son ouvrage Mille et un opéras, Piotr Kamiński écrit ainsi : « Turandot demeure le chef-d'œuvre de son auteur »4 et cite comme arguments l'excellence de « l'envergure dramatique et la variété des styles », l'audace et la modernité du « langage harmonique », la force de « l'atmosphère orientale », et le « souffle sans précédent de l'écriture chorale »5. À l'inverse, Marcel Marnat, dans son étude sur Puccini, voit dans Turandot une œuvre inachevée et inégale, dont seul le premier acte lui semble véritablement comparable aux autres grandes œuvres de Puccini.

Productions

Parmi les productions récentes, on peut retenir celle de , dont huit représentations furent données dans la Cité interdite à Pékin en République populaire de Chine. Il s’agissait d’une coproduction internationale dirigée par Zubin Mehta, mise en scène par Zhang Yimou et riche d’un nombre impressionnant de figurants, dont notamment des soldats de l’Armée populaire de libération.

Discographie

Année Turandot Calaf Liù Timur Orchestre Direction Label
1938 Gina Cigna Francesco Merli Magda Olivero Luciano Neroni Chœur et orchestre de la Rai de Turin Franco Ghione Warner-Fonit
1955 Inge Borkh Mario del Monaco Renata Tebaldi Giorgio Tozzi Chœur et orchestre de l'Académie Sainte Cécile Alberto Erede Decca
1956 Christel Goltz Hans Hopf Teresa Stich-Randall Wilhelm Schirp Chœur et Orchestre symphonique de la WDR de Cologne Sir Georg Solti  
1958 Maria Callas Eugenio Fernandi Elisabeth Schwarzkopf Nicola Zaccaria Chœur et orchestre de la Scala de Milan Tullio Serafin EMI Classics
1959 Birgit Nilsson Jussi Björling Renata Tebaldi Giorgio Tozzi Chœur et orchestre de l'Opéra de Rome Erich Leinsdorf RCA Victor
1961 Birgit Nilsson Giuseppe Di Stefano Leontyne Price Nicola Zaccaria Chœur et orchestre du Wiener Staatsoper Francesco Molinari-Pradelli Orfeo
1961 Birgit Nilsson Franco Corelli Anna Moffo Bonaldo Giaiotti Chœur et orchestre du Metropolitan Opera Leopold Stokowski  
1964 Birgit Nilsson Franco Corelli Galina Vishnevskaya Nicola Zaccaria Chœur et orchestre du théâtre de la Scala de Milan Gianandrea Gavazzeni Myto Records
1965 Birgit Nilsson Franco Corelli Renata Scotto Bonaldo Giaiotti Chœur et orchestre de l'Opéra de Rome Francesco Molinari-Pradelli EMI Classics
1972 Joan Sutherland Luciano Pavarotti Montserrat Caballé Nicolai Ghiaurov Ambrosian Singers, Orchestre philharmonique de Londres Zubin Mehta Decca
1977 Montserrat Caballé Luciano Pavarotti Leona Mitchell Giorgio Tozzi Chœur et orchestre de l'opéra de San Francisco Riccardo Chailly  
1977 Montserrat Caballé José Carreras Mirella Freni Paul Plishka Chœur de l'Opéra du Rhin, Orchestre philharmonique de Strasbourg Alain Lombard EMI Classics
1982 Katia Ricciarelli Placido Domingo Barbara Hendricks Ruggero Raimondi Orchestre philharmonique de Vienne, Chœur du Wiener Staatsoper, Petits Chanteurs de Vienne Herbert von Karajan Deutsche Grammophon
1983 Eva Marton José Carreras Katia Ricciarelli John-Paul Bogart Chœur et orchestre du Wiener Staatsoper, Petits Chanteurs de Vienne Lorin Maazel CBS Records
1983 Ghena Dimitrova Nicola Martinucci Cecilia Gasdia   Chœur et orchestre des Arènes de Vérone Maurizio Arena Warner Music Entertainment
1992 Eva Marton Ben Heppner Margaret Price Jan-Hendrik Rootering Chœur Bayerischer Rundfunk, Munich Radio Orchestra Roberto Abbado RCA Victor
1998 Giovanna Casolla Sergej Larin Barbara Frittoli Carlo Colombara Chœur et orchestre du Maggio Musicale Fiorentino Zubin Mehta RCA Victor

Adaptations filmées et captations

Notes et références

  • Cette scène est la dernière composée par Puccini avant sa mort.
  • « Touran dokht »
  • Récemment réédité aux éditions Phébus.
  • Kamiński, page 1222.
  • page 1223
  1. La Fiche IMDb ne précise pas s'il s'agit d'un film musical, listé ici sous toutes réserves

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